La Disparition ? Baron noir et bonnet rouge

La question qui taraude le bédéaste Mathieu Sapin est de savoir si, comme la lettre e manquante du roman en lipogramme La Disparition écrit par Georges Perec en 1968, la France peut se passer du Parti Socialiste, cet éléphant rose devenu chétif flamand qui ne brasse plus que du vent. Quarante années après l’anniversaire de la victoire mitterrandienne à la présidentielle, le journaliste hybride, copain de bulles avec Depardieu et Hollande, se lance dans le projet de n’écrire que quelques pages de BD pour Libération. Puis, embarqué dans cette quête, le petit homme voit plus grand et sonde les survivants de la rue Solférino, pour connaître la petite histoire dans la grande. C’est cette enquête que restitue Jean-Pierre Pozzi, déjà compagnon de Mathieu Sapin en 2017 avec Macadam Popcorn quand ils avaient rendu visite aux exploitants de salles de cinéma en France.

À la campagne, en intérieur, sur les bords de Seine, assis sur un banc ou debout à la Bastille, Mathieu Sapin, cahier de notes en main, est filmé en compagnie de ceux qui ravivent la flamme des années passées, des souvenirs narrés, parfois navrés, d’échecs et de victoires, d’espoirs et d’illusions. Au travers d’anecdotes des figures de l’ombre du Parti Socialiste que sont Philippe Moreau-Chevrolet, Gérard Colé, et Laure Adler, Mathieu Sapin tisse des bulles, l’oreille attentive, le commentaire discret. On en viendrait presque à se demander ce qu’il fout là, le petit homme au bonnet rouge, surtout quand il se loge à côté de l’ogre passionnant Julien Dray, l’homme qui a inspiré le fameux Baron Noir, si ce n’est pour sans cesse illustrer le fait que ça sent le sapin pour l’ancien Parti préféré des Français en 2012. De Mitterrand à Hollande (le Voldemort dont on ne prononce plus le nom), Saint Mathieu ressuscite les François, ceux acclamés par les Français, ceux qui déçurent aussi. Qui de l’un ou de l’autre a davantage tué le PS ? Serait-ce la fin de la monarchie des François ? Le Baron Noir tranche.

Ici, encore une fois, puisque cela semble être au goût du jour (les excellents 9 Jours à Raqqa et La Panthère des neiges), on aurait pu croire que le film donnerait plus de crédit à l’enquêteur qu’à l’enquête en elle-même. Il n’en est rien. Sapin s’efface au profit de ces grands enfants qui rêvent encore de Noël joyeux, socialistes, solidaires et populaires. L’arbre, la colonne de Juillet et l’espoir continuent de briller dans leurs yeux, un peu dans les nôtres.

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